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Il y a 24 ans décédait à Vanves, Bernard MOITESSIER

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Bernard Moitessier. Au Bono pour l'éternité

Né à Hanoï en 1925, Bernard Moitessier est décédé à Vanves (92) le 16 juin 1994. Il est enterré dans le cimetière du Bono (Morbihan). C'est de là que partent ce week-end des skippers passionnés, dans le sillage de La Longue Route qu'effectua le célèbre navigateur en 1968. Retour sur la vie d'un grand marin tombé amoureux du Morbihan.

Né de parents français en Indochine, Bernard Moitessier est resté marqué par les 27 ans qu'il a passés là-bas. Enfant, il connaît une existence de liberté entre terre et mer. Elle guidera sa démarche de simplicité tout au long de sa vie. Bernard a appris à naviguer avec les pêcheurs d'un petit village du golfe du Siam. Sans boussole, au ressenti, à l'observation. Pragmatique, concret, capable de partir dans une autre dimension, Bernard se sent chez lui en Indochine. Il vit très mal la guerre. Et choisit de partir en bateau en 1952. Commence alors une période de découverte du monde, de vagabondage, de débrouille.

 

Des naufrages et des exploits

Ses capacités à rebondir sont extraordinaires. Arrivé en France en 1958 après deux naufrages, il connaît la vraie solitude au coeur de la ville. Il fait de nombreux petits boulots avant de se lancer dans l'écriture. Connaît un grand succès avec "Vagabond des mers du Sud". Grâce à ce livre, il construit son voilier Joshua en 1961, au chantier Meta de Chauffailles (71). Il le baptise Joshua en hommage au navigateur canadien Joshua Sclocum, auteur du premier tour du monde à la voile en solitaire. Sa coque de 12,08 m (14 m hors tout) est en acier. Les mâts sont des poteaux télégraphiques.

En 1962, le bateau navigue pour la première fois. Bernard et sa femme Françoise partent de Méditerranée, direction Gibraltar, avant la traversée de l'Atlantique, puis Panama, les Marquises, les Iles Galapagos et Tahiti. Ils reviennent par le Cap-Horn. Dans "Cap Horn à la voile", il raconte d'ailleurs son grand voyage. Un exploit. « Très exigeant avec lui-même, il considérait qu'il avait trahi cette expérience fabuleuse en bâclant la fin du livre. C'était plutôt une recopie du livre de bord qu'un vrai travail d'écrivain », confie Véronique Lerebours, sa dernière compagne. Pour se « racheter », il veut faire quelque chose d'énorme, et le raconter dans un livre, d'une façon vraie, authentique. En y mettant ce qu'il a senti, perçu, au contact de la mer.

Je continue, parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme

Il prépare un tour du monde en solitaire sans escale, quand le Sunday Times lance le Golden Globe Challenge. Bernard est fou furieux. Il refuse l'esprit de compétition pour son challenge personnel. Il part quand même avec la course. Neuf navigateurs prennent le départ de ce premier Golden Globe, équipés d'un sextant et d'une radio pour communiquer. Bernard Moitessier s'élance le 22 août 1968, de Plymouth, à bord de Joshua. Sans radio. Six mois plus tard, le ketch franchit le Cap Horn. C'est sûr, Bernard Moitessier va gagner la course. Le 18 mars, alors qu'il atteint les côtes d'Afrique du Sud, le navigateur décide de ne pas rentrer en Europe. Pour annoncer sa décision, il se sert d'un simple lance-pierres. Il a appris à manipuler l'engin pendant son enfance en Indochine. Sur le papier, envoyé sur le pont d'un cargo, il a écrit : « Je continue sans escale vers les îles du Pacifique, parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme ». Bernard réutilisera cette technique à plusieurs reprises. Pour envoyer des messages aux proches, quelques pellicules photo... « Un bon lance-pierres... Ça vaut tous les postes émetteurs du monde », écrit-il dans son livre "La Longue Route".

Le coup de foudre pour ce coin breton

Il repasse alors le Cap de Bonne Espérance en plein hiver. Les conditions de navigation sont difficiles. Il choisit de s'arrêter à Tahiti après dix mois de mer. En 1975, il s'installe sur l'atoll d'Ahé, avec Ileana, et leur fils Stephan. À force d'essayer, il réussit à faire pousser avocats, légumes et manguiers, sur cet atoll réputé stérile. C'est là qu'il gagne son surnom de Tamata, "essayer" en polynésien... Il écrit "La Longue Route", livre qui inspira nombre de marins avides d'aventure.

Il venait ici pour se ressourcer

Mais comment Bernard Moitessier est-il arrivé au Bono ? Le navigateur a découvert le petit port morbihannais lors d'un voyage. Il a eu la chance de trouver une maison en bordure de la rivière d'Auray. Véronique Lerebours, sa dernière compagne, donne plus de détails : « Je suis normande du côté de mon père, mais j'ai beaucoup navigué en Bretagne. J'ai connu la Bretagne sud par la mer. J'ai connu Bernard en Polynésie. J'avais pris une année sabbatique pour faire un tour du monde. Il m'a suivi car il n'arrivait pas à écrire là-bas. On a eu le coup de foudre pour ce coin, et cette petite maison toute simple. Elle correspondait bien à l'état d'esprit de Bernard. Ce n'est pas le grand terrain qu'il aurait voulu avoir. Mais il y a la vue sur la rivière et cette ouverture sur la terre. À l'époque, elle était entourée de deux fermes en activité. Lui a toujours aimé travailler la terre. Il venait ici pour se ressourcer. Il a planté des arbres fruitiers, une vigne sur la maison. À un moment, aussi, on a mis un potager, mais comme on n'était pas là tout le temps... Il a bien aimé. C'est assez tranquille. Il y avait le contact avec les agriculteurs ».

La tombe de Bernard Moitessier est située dans l'un des angles du cimetière du Bono. Il voulait être enterré dans un jardin. Alors, Véronique entretient sa tombe comme un jardin. « En hiver, ça fane ; au printemps, ça pousse... Parfois, quand on ne taille pas, ça fait désordre. Mais c'est la nature. Chacun peut venir avec un sécateur et couper. Donc les critiques... », explique-t-elle en faisant fi des remarques sur l'éventuel état d'abandon. Pour la dernière compagne du navigateur écrivain, c'est l'état d'esprit qui compte : « Une stèle en marbre ne conviendrait pas », conclut-elle. Pour suivre les traces de Bernard Moitessier, des passionnés ont décidé de lancer La Longue Route 2018. Les premiers skippers prennent le départ ce week-end du Bono, pour un tour du monde en solitaire et sans escale. Dans le plus pur esprit de Tamata...



16/06/2018

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