Il est question de Vanves dans l'hebdomadaire Telerama de cette semaine
Musiques électroniques : pourquoi les synthétiseurs modulaires sont redevenus tendance

Désuets dans les années 2000, ils sont de nouveau prisés par les artistes. On fait le point sur ce retour en grâce des synthétiseurs modulaires avec Julien Colleu, coprogrammateur du festival Modular, qui démarre ce vendredi à Vanves.
A l’origine des musiques électroniques, les synthétiseurs modulaires ont peu à peu été mis de côté dans les années 2000 avec l’avènement du numérique, mais semblent aujourd’hui très tendance… La preuve avec le Théâtre de Vanves, dans les Hauts-de-Seine, qui lance le festival Modular (concerts, master class, conférence, exposition, projection...), les 25 et 26 janvier. Explications et mise au point avec son coprogrammateur, Julien Colleu.
Quelle(s) différence(s) y a-t-il entre synthétiseurs modulaires et analogiques ?
Jusqu’au milieu des années 1970, on ne faisait pas de différence entre synthétiseurs analogiques et modulaires. La distinction a été faite – certains spécialistes la rejettent encore aujourd'hui – quand on a assisté à une miniaturisation et à une standardisation de la fabrication des modules. Sur un synthétiseur modulaire, ces modules sont des circuits électroniques qui ne sont pas reliés entre eux. L’utilisateur va donc les relier de manière totalement libre, au moyen d’un patch, créant un son qui va se modifier. L’image qu’on peut en retenir est celle d’un musicien laborantin, qui branche et débranche des jacks (prises) dans les trous (entrées) insérés dans une boîte.

Le synthétiseur analogique, lui, fonctionne à partir de circuits élémentaires : des oscillateurs, transistors, générateurs d’enveloppe. On en a généralement l’image d’un instrument avec des claviers (mais pas forcément). Il va y avoir un signal, qui est une tension électrique, envoyé à ces composants. Cette variation électrique modifie la stabilité et la caractéristique du son. A la différence des synthétiseurs lambda actuels – par exemple ceux de la marque Yamaha, pour les plus connus, car fabriqués aujourd'hui en grande quantité –, les synthétiseurs modulaires et analogiques ne comprennent pas de microprocesseurs. Ou bien s’ils en comprennent, ceux-ci enregistreront simplement des paramètres, sans jamais modifier la nature du son.
Mais quel est l'intérêt de ces synthétiseurs dits analogiques ou modulaires ?
Les musiciens qui travaillent avec ces synthés dits analogiques ou modulaires sont à la recherche d’un son qui n'est pas préenregistré, qui évolue et qui peut être travaillé en direct, distordu. N’importe qui travaillant avec ces instruments vous dira qu’il en apprécie le son « vivant » . Beaucoup de musiciens fabriquent d’ailleurs eux-mêmes leur synthé. Ils achètent des composants puis les soudent.
Parmi les synthétiseurs analogiques les plus connus, on trouve bien sûr le Minimoog, un synthétiseur analogique monophonique, inventé par Bill Hemsath et Robert Moog, et commercialisé entre 1970 et 1980. Sa petite taille, alors qu'auparavant les synthés étaient semblables à de grosses armoires, ainsi que ses sonorités, disons naïves, a séduit nombre de rockeurs, sans parler de Jean-Michel Jarre.

Mais il existe de nombreuses autres marques et modèles. Par exemple ceux fabriqués par l'Américain Donald « Don » Buchla (1937-2016), qui a passé sa vie à l'avant-garde de l'ingénierie musicale. Ses héritiers, à San Francisco, fabriquent encore des synthétiseurs modulaires aux sonorités très accidentées et mouvantes, qui sont livrés sans manuel d'utilisation. Le concept de la marque Buchla, très artisanal, est, là encore, que les machines sont vivantes : au musicien de les dompter et de faire son propre voyage.
Pourquoi un temps fort dans la programmation de votre théâtre municipal autour de ces machines ?
Modular est le résultat d’une discussion et d’une collaboration avec le festival musical départemental Chorus, auquel notre rendez-vous est rattaché. Nous nous sommes interrogés sur le regain d’intérêt du synthé, bien réel, au sein de la création artistique, ainsi que du côté du public. Parmi les artistes invités, Turzi a participé avec ses synthés à l’incroyable compilation Musique ambiante française – Vol. 1 (label Tigersushi, 2017) en compagnie d’une vingtaine d’artistes.

Autant inspirés par le jazz cosmique de Sun Ra que par la techno de Detroit ou les BO de Carpenter, les trois musiciens de Zombie Zombie signent la musique du film L’Heure de la sortie, actuellement en salle. Quant au musicien espagnol Marc Melià, il vient de publier Music for Prophet, sur le label lancé par Flavien Berger, un planant premier album enregistré avec le synthétiseur Prophet, l’un des principaux concurrents du Moog. Un regain d’intérêt d’autant plus surprenant que nous sommes à l’heure du tout numérique. S'agit-il d'un simple effet de mode ? D’un mouvement de fond en réaction à une certaine standardisation du son ?
Modular, Labo du festival Chorus, les 25 et 26 janvier, Théâtre de Vanves, 12, rue Sadi-Carnot, Vanves (92). Tarifs : 8-20 €.
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