La Vélib' a fêté ses dix ans en 2017. Un événement un peu terni par la transition chaotique avec la nouvelle génération de vélos en libre-service. La difficulté d’enfourcher actuellement un Vélib' et les frustrations que cela entraîne illustre en tout cas à quel point ce mode de déplacement est entré dans les habitudes des Parisiens. Mais sans non plus bouleverser leur façon de se déplacer.

C’est en tout cas ce qui ressort d’une grande étude* pour les 10 ans du Vélib' menée par le Forum Vies Mobiles (un groupe de recherches soutenu par la SNCF), que nous vous dévoilons alors que se tient ce dimanche la journée mondiale du vélo.

« Nous voulions savoir ce qu’a changé le Vélib' dans les modes de vie des Parisiens et des Franciliens », résume Sylvie Landriève, directrice du Forum Vies Mobiles. Réponse : « le bilan est en demi-teinte », estime la chercheuse. En bref, le service fonctionne, est utile, mais n’a pas révolutionné les transports en métropole.

Un service très utilisé. Concernant l’utilité du Vélib’, «clairement c’est positif », indique Sylvie Landriève. Avec un Vélib’ utilisé en moyenne 7 fois par jour, des usagers satisfaits (à l’époque Decaux) d’avoir ce service supplémentaire, « on peut dire que le Vélib' sert à quelque chose ».

Effet quasi nul sur les voitures. « Il y a un écart entre les promesses du Vélib' et la réalité », note la chercheuse. Sur l’angle environnemental notamment. Le Vélib' n'a pas permis aux Franciliens de lâcher leur auto. « Moins de 5 % des utilisateurs du Vélib' étaient des automobilistes auparavant, c’est assez négligeable. Vélib n’aura pas été le levier qui a permis de passer à un système de déplacement complètement durable ».

Une soupape pour les transports en commun. Si le Vélib a eu des effets, c’est plus sur le métro que sur les autos. « L’utilisateur de Vélib' va préférer le plaisir du vélo que les transports en commune aux heures de pointe, résume Sylvie Landriève. C’est plutôt une soupape pour les transports en commune, un élément d’intermodalité ». L’usager de Vélib' n'est pas vraiment un cycliste comme les autres. Contrairement aux cyclistes du quotidien qui font tout à vélo, lui arbitre, en fonction de la météo notamment. Le mauvais temps représente ainsi un frein pour 55 % des Vélibeurs, mais pour 45 % seulement des usagers d’un vélo personnel.

Un coût de 33 M€ par an. « Autre bémol, poursuit Sylvie Landriève : il était dit, à son lancement en 2007, que le Vélib' ne coûterait rien aux Parisiens. D’après nos calculs, son coût est finalement de 33 M€ par an. Rapporté au nombre de Parisiens en âge de faire du Vélib’, ce n’est certes pas beaucoup, mais ce n’est pas rien non plus. » Pour évaluer le coût de Vélib’ (époque Decaux), les chercheurs se sont basés sur un audit de la Ville de Paris, et ont chiffré les dépenses à environ 52,5 M€ (dont 32 M€ de pertes de recettes publicitaires laissés à Decaux), dépenses non compensées par des recettes d’environ 19,8 M€, dont 16 M€ par an de paiement par les usagers.

*Etude menée par le Forum avec des étudiants de l’école d’urbanisme de Paris, depuis octobre 2017, via une série d’entretiens, des observations de terrain, une synthèse des données existantes sur Vélib' et une grande enquête auprès de 716 personnes, usagers du vélo (40 %), du Vélib’ (38 %) ou non usagers (20 %).