VANVES ACTUALITE

JEUDI 9 AOUT 2018. Retour à la gratuité de la navette de Vanves ? Un vrai débat à ouvrir devant sa considérable baisse de fréquentation.

Une question qui se pose même au niveau de la Mairie de Paris

 

Article vu sur le site de laTribune en mars 2018 :

 

La gratuité des transports publics : quelle efficacité ?

 

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La gratuité des transports publics favorise-t-elle le report modal ?
La gratuité des transports publics favorise-t-elle le report modal ? (Crédits : SUSANA VERA)

Anne Hidalgo a confié à trois de ses adjoints une étude sur la faisabilité et la pertinence d’instaurer la gratuité des transports en commun pour les Parisiens. De nombreuses villes ont déjà testé avec des fortunes diverses cette solution, qui connaît un regain d’intérêt sur fond de lutte contre la pollution automobile.

 

Cela fera-t-il couler autant d'encre que la piétonisation des voies sur berges ? L'annonce de la maire de Paris, lundi 19 mars, qui dit vouloir lancer « une étude sur la gratuité des transports en commun » pour tous dans la capitale, associant experts français et étrangers, est symboliquement forte. Confiée à Christophe Najdovski, adjoint EELV aux transports, Jean-Louis Missika en charge du développement économique et Emmanuel Grégoire, adjoint PS aux finances, elle s'inscrit dans la guerre qu'a déclarée Anne Hidalgo à la pollution automobile, et en particulier à l'autosolisme. Elle voit en effet « dans la question de la gratuité des transports l'une des clefs de la mobilité urbaine dans laquelle la place de la voiture polluante n'est plus centrale ».

« Nous ne sommes plus dans les 30 Glorieuses. Il ne faut pas chercher des solutions dans la boîte à outils d'hier », a-t-elle déclaré à cette occasion.

2,8 milliards d'euros pour les seuls Parisiens

À première vue, ce projet semble difficilement applicable. Certes, le Conseil de Paris doit voter cette semaine la gratuité du passe Navigo pour les Parisiens de plus de 65 ans, sous conditions de ressources (jusqu'à 2.200 euros de revenus pour une personne seule), une mesure qui devrait concerner quelque 200.000 personnes et coûter 12 millions d'euros. Une somme que la Ville de Paris versera à IDF-Mobilités.

Mais pour l'élargir à tous les Parisiens, la facture s'élèverait à 2,8 milliards d'euros par an, la contribution de la billetterie au coût de fonctionnement du réseau parisien, qui s'élève à 10 milliards. Quant à l'élargir à tous les détenteurs d'un pass Navigo et non aux seuls Parisiens, il en coûterait plus de 3,5 milliards d'euros par an.

« Le besoin en régénération en Île-de-France avoisine les 1,5 milliard par an (SNCF et RATP confondues), rappelle Stéphane Beaudet, vice-président de la région Île-de-France en charge de la mobilité, sur son compte Facebook, où il dit son opposition à cette mesure.  Les travaux de lignes nouvelles nécessitent un engagement d'également 1,5 milliard annuel hors Grand Paris Express (Eole, prolongations de lignes de métros, création de Tram, le 12 ici en Essonne...) »

Bientôt un péage urbain à Paris ?

Pour financer la mesure, Anne Hidalgo, qui a toujours déclaré son opposition à ce dispositif, a notamment évoqué la mise en place d'un péage urbain.

"Mais si le péage vient financer la gratuité des transports, il devient non pas un élément de discrimination sociale, mais au contraire un élément qui peut accompagner", a-t-elle estimé ce 20 mars sur France Bleu.

Car, comme ce fut déjà le cas à propos des voies sur berge, la présidente de la région Valérie Pécresse reproche d'ores et déjà à l'édile parisienne de faire peu de cas des Franciliens vivant au-delà du périphérique, lesquels ont notoirement plus de difficultés à se déplacer que les Parisiens intra-muros.

« Il ne doit pas y avoir d'inégalités entre les Parisiens et les habitants de la banlieue, a réagi cette dernière sur Radio Classique, sans toutefois se dire opposée au projet. La ville ne peut pas faire cavalier seul, il faut coordonner la réflexion. »

Au-delà de la guéguerre récurrente entre les deux élues, ce type de mesure est-il de nature à faire baisser la pollution ?

Un long historique

L'idée n'est pas à proprement parler nouvelle, et avait même été mise en œuvre à Rome dès les années 1970, où cela s'était soldé par un échec.

Elle a aussi été testée aux États-unis dans des villes comme Denver (Colorado) ou Austin (Arizona), où ce sont essentiellement des cyclistes et des piétons, plutôt que des automobilistes, qui sont montés dans les bus désormais gratuits.

En revanche, la capitale estonienne, Tallinn (420.000 habitants), se félicite de ce choix effectué il y a maintenant plus de cinq ans. Sur le plan strictement financier, les recettes fiscales liées à l'accroissement de résidents attirés par un bouquet de mesures parmi lesquelles la gratuité des transports publics, se sont avérées deux fois plus élevées que le manque à gagner sur la billetterie. Le dispositif a permis à certaines catégories de populations de se déplacer plus facilement, que ce soit pour se rendre sur leur lieu de travail - accroissant ainsi leur zone de prospection - ou pour se rendre en centre-ville en soirée et le week-end, augmentant le chiffre d'affaires des lieux de sorties. Si le trafic automobile en centre-ville a un peu diminué, l'inverse s'est produit dans les quartiers périphériques.

23 expériences en France

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Transports gratuits en ville

(Un graphique de notre partenaire Statista)

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Suite à la convocation de neuf États membres (dont la France et l'Allemagne) pour pour non-respect des normes de qualité de l'air, Angela Merkel a récemment évoqué un test de la gratuité dans cinq villes allemandes, dont Bonn et Essen.

À Dunkerque (200.000 habitants) enfin, où la gratuité totale sera instaurée en septembre prochain après un test de près de deux ans sur les seuls week-ends, le maire, Patrice Vergriete, se dit très satisfait de sa décision. Mais celle-ci a été prise dans un contexte de rénovation d'un réseau de transports publics très dégradés, dans une ville totalement reconstruite après-guerre dans une optique plus favorable à la voiture. Alors que 45% des ménages dans certains quartiers ne sont pas motorisés, le taux d'utilisation des transports en commun y était tombé à 5%. Pour financer ce choix (un manque à gagner de 4,5 millions d'euros), le maire a renoncé à la construction d'un stade qui aurait mobilisé un investissement de 10 millions.

Selon le GART (Groupement des autorités responsables de transports), plus de vingt réseaux de transports publics français (sur un total de 250) avaient en 2016 adopté une gratuité totale ou partielle, qui concernait 2% des usagers.

Comme le rappelait Claude Faucher, délégué général de l'UTP (Union des transports publics et ferroviaires) lors d'un débat organisé par La Tribune en novembre 2017, « partout où cela a été décidé jusqu'à présent, les ressources fiscales étaient supérieures à la moyenne des autres territoires et offraient donc des solutions de financement. » Ce sont aussi, affirmait-il, des villes où, comme à Dunkerque, la part modale des transports publics était particulièrement basse.

À l'inverse, c'est dans des villes où le prix du billet a augmenté plus rapidement que l'inflation, telles que Lyon ou Strasbourg, que le report modal a été le plus important.

« Le coût d'usage des transports en commun est toujours moins élevé que celui de la voiture individuelle », observait-il encore, montrant par là que la motivation financière n'est pas essentielle dans les arbitrages.

Cécile Maisonneuve, qui préside le think tank "La Fabrique de la Cité", modère ce propos. « Tendanciellement, le coût de la voiture individuelle est en baisse. » Pour elle, la meilleure façon d'accentuer l'écart entre les deux modes de transports consiste à accroître encore le coût d'usage de la voiture.

Parents pauvres de l'innovation

Rappelant qu'aucune mesure ne peut, à elle seule, résoudre le problème de la congestion automobile en ville, elle évoque des systèmes plus élaborés tels que celui mis en place à Singapour. Sur le même principe que celui de l'effacement électrique (qui permet de lisser la consommation et d'éviter des pointes et de potentielles ruptures d'approvisionnement), la tarification dynamique consiste à instaurer la gratuité en dehors des heures de pointe, par exemple le matin tôt, à la fois pour les transports publics et le stationnement. « C'est une solution issue à la fois d'études sociologiques et d'innovation technologique », souligne-t-elle.

Elle s'inquiète justement de voir les transports publics devenir le parent pauvre de l'innovation. En matière de mobilité en effet, c'est surtout la voiture individuelle qui concentre l'intérêt des startups et les investissements. Qu'elle soit partagée, autonome, électrique, ou un peu de tout cela à la fois, la voiture fait de l'ombre aux transports publics. New York, vitrine rêvée pour toutes les plateformes de la nouvelle économie, est un parfait contrexemple de l'effet recherché : un réseau de transports dégradé et une congestion accrue par la multiplication des voitures sans chauffeur.

Pour ce qui est de Paris, les adjoints en charge du dossier présenteront dans les prochaines semaines le calendrier et le cahier des charges de cette étude, à laquelle seront associés les groupes politiques du Conseil de Paris, majorité et opposition. Les conclusions devraient être rendues à la fin de l'année 2018.



09/08/2018

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