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A découvrir, l'interview de François FEROLETO, acteur, patron de la Girafe à Vanves

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Interview de François Feroleto : “Un acteur est à la fois instrumentiste et instrument”

 

Interview de François Feroleto : “Un acteur est à la fois instrumentiste et instrument”

Interprète de Robert, mari d’Emma et meilleur ami de Jerry dans «Trahisons», l’acteur François Feroleto signe avec cette pièce son retour au théâtre. Comédien instinctif à l’écran comme sur scène, c’est avec franchise et décontraction qu’il aborde son personnage. Un semblant d’archétype de l’époque, dont le surprenant recul flâne avec l’élégance.

  •  Comment le projet vous a-t – il été présenté?

J’ai tourné deux courts métrages avec Christophe Gand, nous nous connaissons déjà depuis quelques années. C’est lui qui m’a contacté pour ce projet, j’ai alors relu «Trahisons» que j’ai trouvé absolument incroyable. Pinter a cette manière de dire tellement de choses sans les prononcer! Il y a des sous-textes tout le temps. Pour un acteur c’est passionnant. C’est une partition vraiment intéressante à jouer. Par conséquent, le projet est né par Christophe; je ne connaissais pas mes deux partenaires.

  • Qu’est-ce qui vous a convaincu de participer à ce projet?

Il y a plus de quinze ans, je jouais au théâtre avec Michel Bouquet qui m’avait dit de m’intéresser à Pinter. À l’époque, je l’ai lu et j’ai trouvé que c’était un auteur passionnant. Plus tard, relire cette pièce a été déterminant. Avec Christophe c’est un vrai partenariat, j’avais très envie de travailler avec lui. Quand il m’a proposé la pièce j’étais sur scène — la saison dernière au Théâtre de l’Œuvre dans la dernière pièce de Florian Zeller, «Avant de s’envoler». Je n’avais pas joué au théâtre depuis quatre ou cinq ans. C’est alors que «Trahisons» est arrivé. J’étais très heureux sur scène, je voulais enchaîner et revenir au théâtre.

  • A t-il tout de suite été question du personnage de Robert?

Oui, il n’a pas été question d’un autre personnage. Yannick Laurent s’est très vite positionné sur le rôle de Jerry, l’amant. Ce qui me va très bien parce que Robert est celui que je préfère. Je pense que c’est un être très malheureux. La vie qu’il a mené ne correspond pas à celle qu’il avait imaginée. Dans la vie, il y a la part de fantasme et la part de la réalité. Il faut réussir à les faire cohabiter. Parfois c’est bien parce que la réalité nous emmène ailleurs en nous faisant découvrir des choses passionnantes. Parfois aussi elle se montre différente.

  • Qu’est-ce qui vous a plu dans ce personnage?

Robert a une forme de recul sur les choses et d’élégance. Avec ce qui lui arrive, on pourrait très bien imaginer qu’il se jette sur sa femme. Il en va de même avec son meilleur ami, on pourrait s’attendre à ce qu’il le traite de salaud, de traître. Il aurait pu avoir une réaction très sanguine, plus viscérale. Le fait de ne pas en parler à Jerry pendant tant d’années fait de lui le maître du jeu. Vis-à-vis de sa femme aussi. Je pense quand même qu’il y a un amour très fort qui persiste entre eux… Et avec Jerry!

  • Comment comprenez-vous cette relation entre Robert et Jerry?

Je pense que ça reste au niveau de l’amitié. Après est-ce que c’est une amitié un peu ambiguë? En Angleterre on sait que la mixité n’existait pas dans les internats. Les garçons dans le même dortoir, sous la douche, qui font du sport ensemble… Il y a des choses qui se passent au moment où c’est l’éveil des corps. Donc est-ce qu’il y a eu vraiment quelque chose entre eux? Je n’en suis pas certain. Mais de toute façon la différence entre l’amour et l’amitié est très ténue. En l’occurrence chez eux ça l’est, c’est une amitié très profonde.

  • Dans votre relation au personnage, avez-vous le sentiment de lui avoir apporté une part de vous?

Je ne sais pas faire autrement. Un acteur est à la fois l’instrumentiste et l’instrument. Notre instrument c’est nous : c’est notre corps, notre voix. C’est forcément notre ressenti. Même quand je joue des personnages très éloignés de moi je fais avec ce que je suis. Je me mets dans la situation qui est celle du personnage et j’essaye, tout en étant aussi proche de lui possible, d’être en même temps proche de moi. Je ne suis pas un acteur très réflexif, j’ai besoin de passer par la scène.

Il y a des grandes lignes que l’on se dit évidemment; pour moi ce qui est important c’est de connaître mes liens sociaux, l’époque… Si Robert vivait en 2017 à Paris, ce ne serait pas le même que celui-là : à Londres, dans les années 70. Mais ensuite j’ai besoin du plateau. Je me lasse assez vite du travail de discussion; on peut disserter pendant six mois à raison de quinze heures par jour…  Il faut agir, jouer la scène, voir où ça nous mène. Il y a un moment où on y croit ou on n’y croit pas. C’est un travail, un jeu d’équilibre entre les personnages qui se fait et c’est le travail du metteur en scène que de nous guider.

  • Êtes-vous à l’écoute de la personne qui vous met en scène?

Ça dépend du metteur en scène (rires). Christophe, je l’écoute parce que j’ai confiance en lui et que j’aime collaborer avec lui. J’ai longtemps travaillé à la télévision et je me suis habitué à essayer d’avoir une proposition suffisamment forte pour que le personnage existe. Après, c’est toujours mieux s’il y a un bon metteur en scène derrière.

On va plus loin en tant qu’acteur quand on a face à soi quelqu’un qui a une intelligence du jeu d’acteur et du personnage. Christophe est très jeune donc il s’affirme dans sa manière de diriger les acteurs. Il a l’honnêteté de dire si ça marche ou pas. Il y a des acteurs qui se braquent quand on leur dit. Au contraire, je trouve ça génial.

  • Qu’est-ce que la trahison pour vous?

Avoir une histoire pendant sept ans avec la femme de son meilleur ami, c’est très clairement une trahison. Même chose pour Emma, avoir une histoire avec le meilleur ami de son mari… Cependant, ce que fait le mari aussi est une trahison: continuer à côtoyer son meilleur ami en sachant ce qu’il fait sans lui parler. Après les trahisons sont un passage obligatoire dans la vie. On y est tous poussés. Même celle vis-à-vis de soi-même est importante, ça rejoint ce que je disais en préambule entre la vie fantasmée et la vie réelle. On est tous à un moment ou à un autre confronté à ça.

  • Comment envisagez-vous la reprise? Allez-vous apporter des évolutions à votre personnage?

Je pense qu’il y a des points d’amélioration parce que tout est perfectible au théâtre, rien n’est jamais figé. Il faut se servir de cette reprise pour améliorer ce qui a lieu de l’être. Je n’ai pas réfléchi à des aspects particuliers mais avec une pause de trois mois entre la première création et la reprise, je sais que les choses vont maturer en moi. Cette situation m’est très confortable, on revient avec un spectacle qui a fait ses  preuves et qui a très bien fonctionné à la fois au niveau de la presse et du public.

Je m’aperçois aussi  maintenant que je sors voir d’autres spectacles et que je croise des gens du métier qu’ils ont entendu parler  de «Trahisons» et vont profiter de la reprise pour la voir. Ça fait très plaisir et on se dit qu’effectivement, dans  le métier le bouche-à-oreille fonctionne et est très positif.

Crédits photo : Lissandre Parat



17/02/2018

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