VANVES ACTUALITE

Le livre d'un professeur du Lycée Michelet à Vanves

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Article paru dans le quotidien Le Figaro :

Ne mets pas de glace sur un cœur vide: un vélo à remonter le temps

Patrick Besson fait revivre la banlieue parisienne des années de la fin du siècle dernier.

 

Le narrateur, amoureux de femmes et de vélo, se souvient de l'été 1989 avec humour.

 

On voudrait pouvoir retourner dans le passé comme on reviendrait sur un lieu. C'est évidemment impossible. Mais Patrick Besson a trouvé la clé à remonter le temps: il raconte Malakoff et ses environs, l'immeuble dans lequel il vécut, les boulevards, les cafés, les amours… En vérité, Besson décrit une époque qu'il tente de revisiter et de retenir: la fin des années 1980, avec zoom sur l'été 1989. À la manière d'un Modiano qui serait porté sur le sexe - ce qui en soi est déjà original: essayer de dénicher une scène de sexe dans l'œuvre du Prix Nobel 2014, une demi-ligne dans Du plus loin de l'oubli, et guère plus…

Le narrateur s'appelle Philippe, il est professeur de lettres, au lycée Michelet de Vanves, spécialiste de Corneille, tout jeune retraité. Déjà, quand il enseignait, il trouvait le temps long et ne goûtait guère ses vacances scolaires. Maintenant qu'il n'a plus de copies à corriger, il pourrait s'atteler à l'écriture. C'est, peut-être, ce roman que le lecteur découvre. Le plus étonnant dans ce livre est la distance: c'était au siècle dernier et c'était hier. On dirait un film, d'où cette impression de proximité et d'éloignement mêlée. De plus, par de rares intrusions, l'auteur des Petits Maux d'amour nous ramène au présent et à sa tentative de se remémorer.

Recueil d'aphorismes

À un moment, le narrateur donne le mode d'emploi de sa démarche: «Mais j'avais trop envie de remonter dans mon appartement, c'est-à-dire dans mon passé, pour reprendre ce récit où les gens qui sont morts revivent et où je retrouve les vivants que j'ai perdus.» Ce sont les femmes qui occupent le plus son esprit. Et, peut-être, son vélo, aussi. C'est fou, cette quête de l'amour chez le voisin du dessus ou chez le copain de bistrot. Vanessa, Karima, Sonia, Aminata et Mariem sont passées, plus ou moins vite, plus ou moins longtemps, dans les bras de Philippe. Beaucoup de femmes passent, mais l'une des grandes réussites de Ne mets pas de glace sur un cœur vide est le portrait d'un homme: Vincent, malade du cœur, qui attend une greffe, est franchement antipathique, extrêmement ingrat, à la complainte permanente, une brute aussi près de ses sous que de ses sentiments… et, pourtant, il attire des femmes séduisantes au cœur d'or. «Était-il le bénéficiaire incongru de l'attirance ancestrale qu'ont les femmes bien pour les mecs nazes, équivalente du penchant antique des supermecs pour les idiotes?», s'interroge Philippe. Ce professeur, qui dit avoir un certain goût pour le doute, possède assurément le goût des formules - et le goût des définitions. Le roman peut ainsi se lire comme un superbe recueil d'aphorismes: «Phrase, sentence qui résume en quelques mots une vérité fondamentale», dit le Larousse, une définition qui pourrait s'appliquer au récit.

 

«Ne mets pas de glace sur un cœur vide», de Patrick Besson, Plon, 175 p., 18 €.



29/01/2016

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